À l’occasion du dixième anniversaire de l’Association Veille Économique, l’économiste togolais Dodji Nettey Koumou a animé, le 19 avril, une conférence à Lomé pour offrir au public des clés de lecture sur les enjeux monétaires. L’objectif : dépasser les slogans pour armer les citoyens face aux débats économiques de plus en plus polarisés.
Face à un public mêlant étudiants, professionnels et curieux, l’économiste Dodji Nettey Koumou entame une plongée méthodique dans l’univers complexe de la monnaie. Intitulée « Monnaie : compréhension, enjeux et perspectives », cette conférence, organisée dans le cadre des dix ans de l’Association Veille Économique, se veut plus qu’un simple exposé : une invitation à l’analyse critique et à la rigueur.
Dodji Nettey Koumou rappelle les fondamentaux
« Nous avons voulu offrir des outils techniques, scientifiques et économiques, pour que les citoyens africains puissent participer intelligemment aux débats qui animent notre espace public », explique l’initiateur de l’événement. Dans une sous-région souvent traversée par des tensions autour du franc CFA, des appels à la souveraineté monétaire et des fantasmes sur l’ECO, la démarche se distingue par sa volonté de clarification.
Divisée en deux modules, la conférence commence par une relecture de l’histoire monétaire. De l’échange de coquillages à l’avènement des cryptomonnaies, le Dr Nettey Koumou rappelle que la monnaie est avant tout une construction sociale fondée sur la confiance, mais aussi un objet technique. « La France imprime aujourd’hui plus de 21 monnaies pour le compte de pays tiers à travers le monde », affirme-t-il, pour illustrer l’imbrication des économies et le rôle parfois méconnu des États dans les dynamiques monétaires mondiales.
Loin de tout militantisme, le conférencier insiste sur la rigueur. « Il est essentiel de se départir des lectures idéologiques. Comprendre la monnaie, c’est aussi comprendre ses fonctions, son histoire et ses outils de gestion », dit-il, citant les travaux de référence en économie monétaire.
Le FCFA et l’ECO sous la loupe
Le second module, consacré au franc CFA et à l’ECO, était sans doute le plus attendu. Mais là encore, l’approche se veut pédagogique. Le compte d’opération, souvent au centre des critiques contre le système CFA, est recontextualisé : « Ce n’est pas le seul outil de gestion des flux extérieurs de la zone UEMOA. Aujourd’hui, 32 comptes existent à travers dix pays, dans huit devises différentes », souligne Nettey Koumou, mettant à mal certaines idées reçues.
Pour autant, il ne s’agit pas de dédouaner le système monétaire existant. « Oui, des réformes sont nécessaires, mais elles doivent être éclairées par une compréhension fine de la réalité. Ce n’est pas en changeant de monnaie qu’on changera le destin de nos pays », avertit-il.
La nécessité de la bonne gouvernance
Au cœur de sa démonstration, un constat : la monnaie n’est pas le bouc émissaire idéal de l’échec du développement. « Depuis soixante ans, nos États, qu’ils soient francophones ou anglophones, n’ont pas échoué à cause de la monnaie. Ils ont échoué à cause de la mauvaise gouvernance », martèle l’économiste.
Un propos qui fait mouche dans une salle où l’on écoute religieusement, mais aussi où l’on débat, questionne, conteste. Loin de l’arène politicienne ou des réseaux sociaux souvent saturés de raccourcis, la conférence se veut un retour au factuel, au mesurable, au rationnel.
En toile de fond, un message clair : l’économie n’est pas l’apanage des experts. « C’est une matière citoyenne, et chacun doit pouvoir s’en emparer », résume Dodji Nettey Koumou. Dans un contexte où les enjeux monétaires reviennent régulièrement sur le devant de la scène — qu’il s’agisse de la future monnaie de la CEDEAO ou de la critique du néocolonialisme monétaire — cette conférence offre une respiration bienvenue. Et surtout, une méthode : apprendre avant de juger.