Le professeur de philosophie au Canada, Amadou Sadjo Barry, a fait part mardi de sa lecture sur la conduite de la transition par le colonel Mamadi Doumbouya. Ce spécialiste en éthique des relations internationales et en politiques de développement estime qu’à un peu plus d’un an de la fin de la transition, rien n’a été fait pour le retour à l’ordre constitutionnel.
‘’Il n’y a pas d’envie d’aller vite vers un retour à l’ordre constitutionnel’’, résume Amadou Sadjo Barry dans de l’émission Mirador, dénonçait l’existence d’une jeunesse autour du colonel Doumbouya qui ‘’s’est appropriée du pouvoir et qui est en train de nous conduire au fond d’une fosse’’.
D’après sa lecture de la situation, ‘’le contexte sous-régional est favorable à la junte. Lorsque vous analysez les transitions en Afrique de l’Ouest, on voit clairement qu’il n’y a aucun élément objectif qui montre que les juntes veulent partir. On nous dit que le colonel Doumbouya va partir à la fin de la transition. mais si vous analysez ses discours, il ne dit jamais à quand la fin de la transition”.
Dr Amadou Sadjo Barry soutient que ‘’l’accord dit dynamique avec la CEDEAO n’implique pas les forces vives de la nation qui sont concernées par la transition. Pourtant, le retour à l’ordre constitutionnel doit être le produit d’une discussion entre le CNRD et les partis politiques et la société civile. C’est un chronogramme imposé par la junte’’.
Plus de deux ans après le coup d’Etat contre le régime d’Alpha Condé, il assure que ‘’nous n’avons aucune étape de la transition dont l’exécution a été terminée. Même celle qui semble la plus avancée, à savoir la constitution, depuis un an, nous sommes dans des ateliers, colloques et consultations comme si la Guinée n’avait jamais eu une constitution de base à partir de laquelle on aurait pu produire une nouvelle constitution’’.
Il se demande ‘’si la Guinée est en transition ? Deux narratifs s’affrontent. Celui de la refondation basée sur une lecture romantique de l’histoire de notre pays et qui remet au-devant de notre scène des figures mythiques comme Sékou Touré autour duquel on veut former un semblant d’unité nationale. On se rend compte que le CNRD, c’est le régime militaire en Guinée qui a porté le coup le plus dangereux à la réconciliation nationale, à la mémoire collective’’.
Pour étayer ses propos, il avance que ‘’lorsqu’on examine les modalités de gouvernance, on se rend compte que nous ne sommes pas en transition. il n’y a pas eu de rupture dans la culture politique. Le CNRD a porté un espoir légitime. Malheureusement, la traduction de cet espoir sur le plan politique, de la réflexion, de l’agir, de la faculté d’opérer une rupture politique ne s’est pas concrétiser’’.
Malgré les engagements du colonel Doumbouya, martèle-t-il, ‘’on est dans les mêmes pratiques des pouvoirs avant le coup d’Etat. Alpha Condé peut bien se laver les mains en disant qu’il ne sera pas le dernier dictateur guinéen. La question n’est pas de savoir s’ils vont lâcher le pouvoir. La question, c’est de savoir s’ils sont capables de constituer une force de rupture. Ce qui n’est pas le cas’’.
‘’On a quasiment fait du colonel Doumbouya une espèce de roi qui ne peut pas être contesté. On n’est même plus capables d’avoir une lisibilité sur là où on va’’, déplore-t-il, tout en faisant remarquer que ‘’ceux qui critiquaient hier Alpha Condé, qui étaient du FNDC, sont aujourd’hui des alliés objectifs d’une dictature militaire’’.
Pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, ce professeur de philosophie suggère à la junte de ‘’mettre une croix sur le Recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC) et le Recensement général de la population et de l’habitat (RGHP), organiser les élections qui pourraient nous conduire à un retour apaisé à l’ordre constitutionnel’’.
Il laisse entendre que s’’s’il n’y a pas un retour rapide à l’ordre constitutionnel, c’est parce qu’il y a des enjeux économiques ainsi que des réseaux d’accumulations de richesses. C’est là que ça devient très dangereux. Même celui qui viendra au poste de président, c’est avec le CNRD qu’il va gouverner, parce que l’armée n’a pas été reformée’’.
Pathé BAH, pour VisionGuinee.Info
00224 621 77 38 52/[email protected]