[dropcap]T[/dropcap]ierno Monénembo, invité samedi de RFI dans l’émission « Littérature sans frontières » pour promouvoir son nouveau roman « Saharienne Indigo », le célèbre écrivain guinéen n’a pas caché sa colère contre le régime Sékou Touré qui, selon lui, a tué plus de 50 000 personnes notamment au camp Boiro.
‘’Le camp Boiro, c’est notre Auschwitz. C’est là où Sékou Touré a tué plus de 50 000 personnes. La diète noire, ça veut dire qu’on vous emprisonnait dans une petite cellule et on vous laissait là sans boisson, sans nourriture pendant 15 jours’’, raconte le célèbre écrivain guinéen.
Mais, regrette Tierno Monénembo ‘’ce qui est terrible en Guinée, les criminels ont du talent pour effacer les traces de leurs crimes. Il n’y a aucune trace de Camp Boiro. Ils y ont construit des villas. Ils ont construit un pont là où on pendait les gens, il n’y aucune trace’’.
Maintenant, poursuit-il, ‘’ils sont en train de rebaptiser l’aéroport de Conakry du nom du bourreau et sanguinaire Sékou Touré. Tout cela fait que notre histoire a été faussée. Cela crée qu’il y a une confusion dans la mémoire collective guinéenne qui fait que l’avenir est trouble et sombre à cause d’imbéciles’’.
Aux dires de l’écrivain ‘’le camp Boiro, c’est quelque chose de terrible. C’est un peu le symbole de la répression en Afrique. La Guinée a été tout le temps le mauvais exemple, premier pas à créer à le parti unique. Le camp de concentration, c’est nous. Les pendaisons publiques, c’est nous. Et on en est encore là, il y a le patinage historique (…). C’est comme si l’histoire est condamnée à se répéter. Comme si la tragédie est condamnée à se répéter’’.
Il rappelle qu’il ‘’y a eu d’autres camps avant dont le camp Alpha Yaya où les premiers prisonniers ont été emprisonnés. Je parle des premiers syndicalistes qui ont fait la grève en 1961 à savoir Koumandian Keita, Bah Ibrahima Kaba, Bah Mountaga et d’autres. En 1967, le camp Boiro a été créé artificiellement par les tchèques. Le camp Boiro est une ruine artificielle, une architecture de la torture. On a créé des taudis où s’infiltrent dans les cellules des condamnés les moustiques et que les odeurs arrivent de façon pour la torture soit permanente’’.
‘’Le camp Boiro a été fermé à la mort de Sékou Touré, mais ils ont cassé toutes les cellules où les gens sont morts pour construire des villas pour y loger des policiers guinéens’’, déplore-t-il.
Avant de fuir la Guinée en 1969, relève-t-il, ‘’je ne savais pas du tout. Je savais qu’il y avait un camp Boiro. En face, il y avait un bar qui s’appelait le Palmier, j’y allais souvent pour danser sans savoir que l’autre côté, on torturait des gens. En pleine ville de Conakry, on torturait les gens. Je ne savais pas du tout que c’était un camp de tortures’’.
A la question de savoir si son roman « Saharienne Indigo » est écrit pour éviter aux guinéens d’oublier cette partie de leur histoire, le romancier répond que les dirigeants ont ‘’tout fait pour que cette histoire soit oubliée. Et comme les historiens n’ont pas fait leur boulot, je me suis dit qu’il faut que les écrivains pallient leurs insuffisances’’.
Boussouriou Doumba, pour VisionGuinee.Info
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