L’Union des Chambres Régionales de Métiers (UCRM) et Ohana Africa, la jeune fintech togolaise à l’origine de la plateforme mobile Ollo Africa, scellent un accord inédit. La démarche vise à intégrer les artisans du Togo dans le système financier formel. Une alliance entre tradition et innovation, soutenue par Ecobank, qui pourrait transformer durablement le paysage artisanal du pays.
Sous les halles animées de Lomé ou dans les ateliers des régions de l’intérieur, l’artisan togolais est une figure centrale de l’économie nationale. Pourtant, son quotidien demeure souvent marqué par l’informalité. Sans compte bancaire, sans accès au crédit ni aux outils de gestion modernes, il reste à la marge d’un système financier qui se numérise à grande vitesse. C’est à cette réalité que veulent s’attaquer l’Union des Chambres Régionales de Métiers (UCRM) et Ohana Africa, une fintech togolaise fondée par de jeunes entrepreneurs convaincus que la technologie peut réconcilier inclusion et tradition.
Le 30 octobre 2025, les deux institutions ont officialisé un partenariat stratégique dont l’ambition est de moderniser les pratiques d’épargne collective et formaliser progressivement les artisans dans le circuit financier. Au cœur de cette initiative, l’application mobile Ohana Africa, déjà testée avec succès lors d’une phase pilote, sera déployée dans tout le pays à partir de novembre.
Un projet à fort impact social et économique
Le programme vise d’abord les 60 000 artisans enregistrés auprès des Chambres Régionales de Métiers, avec un objectif d’un million d’utilisateurs d’ici 2027. Au-delà de ces chiffres la démarche vise à faire reconnaître et bancariser le secteur artisanal reconnu et bancarisé, capable de peser dans l’économie formelle.
L’artisanat au Togo représente près d’un million d’actifs, soit 18 % du PIB national, et jusqu’à 70 % des emplois créés. Il contribue également à réduire le déficit commercial de 20 % grâce à la production locale.
Mais si le poids économique est considérable, la fragilité du secteur reste criante. La majorité des artisans continuent à s’appuyer sur les tontines et groupes d’épargne communautaires, pratiques solidaires profondément enracinées dans la culture africaine. Ces mécanismes, estimés à près de 7 % du PIB dans certains pays africains, constituent une forme de microfinance populaire, mais demeurent invisibles pour le système bancaire et peu sécurisés.
« Pendant trop longtemps, nos artisans ont évolué en dehors du système financier formel », reconnaît Issa Mouhamed, président de l’UCRM. « Ce partenariat change la donne : Ohana Africa apporte la technologie, nous apportons la confiance et la proximité. Ensemble, nous ouvrons des chemins vers la prospérité pour chaque artisan du Togo. »
Ohana Africa : l’innovation au service de la tradition
La plateforme Ohana Africa entend digitaliser ces pratiques d’épargne tout en respectant leur dimension communautaire. Conçue pour être multilingue, intuitive et accessible, elle permet aux utilisateurs, même peu familiers du numérique, de gérer leurs cotisations, retraits et prêts de manière sécurisée et transparente.
Les fonds collectés seront directement déposés dans des institutions bancaires agréées, grâce au partenariat avec Ecobank, garantissant la traçabilité et la sécurité des transactions. « L’épargne collective représente jusqu’à 7 % du PIB dans plusieurs pays africains, mais reste souvent invisible pour le secteur financier formel », explique Toba Tanama, directeur marketing et partenariats chez Ohana Africa. « Nous changeons cela — un groupe d’épargne, un artisan à la fois. Ce partenariat marque une étape clé vers un écosystème financier plus inclusif et durable. », a-t-il ajouté
Outre la numérisation, Ohana Africa mise sur l’accompagnement à la formalisation : chaque groupe d’épargne bénéficiera d’outils et de conseils juridiques pour se conformer aux réglementations nationales, ouvrant ainsi la voie à un accès élargi au crédit et à l’assurance.
Un partenariat sous le signe de la confiance
Pour Ecobank, partenaire institutionnel du projet, cette initiative s’inscrit dans sa stratégie régionale d’inclusion financière. « L’inclusion financière demeure un pilier central de la mission d’Ecobank », souligne Komlan Agbo, responsable des services numériques de la banque avant d’appuyer : « Nous sommes fiers de soutenir Ohana Africa et de contribuer à cette initiative qui renforce l’autonomisation économique des artisans togolais. »
Concrètement, le déploiement national se fera en plusieurs phases, à commencer par les six Chambres Régionales de Métiers du Togo. Chaque région accueillera des sessions de formation destinées à familiariser les artisans avec la plateforme, ses fonctionnalités et ses avantages.
Plus qu’un projet technologique, le partenariat entre l’UCRM et Ohana Africa se veut une révolution culturelle. Il s’agit de transformer l’acte d’épargner, souvent collectif et informel, en un geste économique structurant, reconnu et valorisé par les institutions.
En s’appuyant sur les réseaux existants de l’UCRM et sur la puissance d’une technologie pensée localement, cette initiative incarne un modèle d’inclusion à la fois réaliste et enraciné dans les pratiques sociales africaines. Pour Issa Mouhamed, la réussite du projet dépendra de la capacité à maintenir la confiance des artisans, un capital immatériel précieux : « Les artisans ont toujours su s’organiser entre eux. Notre rôle aujourd’hui est de les accompagner pour que cette solidarité devienne une force économique reconnue et durable. »
Avec ce partenariat, le Togo fait un pas supplémentaire vers la digitalisation de son économie informelle. Le projet s’inscrit dans la vision du gouvernement de bancariser les populations non desservies, tout en soutenant les dynamiques locales de production et de création d’emplois. À terme, Ohana Africa espère connecter l’ensemble des tontines et groupes d’épargne informels du pays, en créant un pont solide entre la finance communautaire et la finance institutionnelle.
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