En 2026, les voyageurs ouest-africains pourraient enfin respirer à plein poumons en ce qui concerne le transport aérien. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) vient d’annoncer une réforme ambitieuse visant à réduire de 25 % les taxes de service passager et les redevances aéroportuaires de sécurité sur les vols intra-régionaux. Une avancée historique dans une région longtemps plombée par les coûts aériens parmi les plus élevés au monde.
Selon les conclusions d’une étude commandée par la Commission de la CEDEAO, pas moins de 66 taxes différentes pèsent actuellement sur les passagers de la région, tandis que les compagnies aériennes doivent affronter 112 prélèvements distincts. Résultat : des billets hors de prix, une faible compétitivité des aéroports ouest-africains, et une intégration régionale freinée par la cherté des déplacements.
2026, année du virage tarifaire
À l’issue de plusieurs mois de consultations avec les acteurs de l’aviation civile, les États membres se sont entendus sur une réduction de 25 % des redevances aéroportuaires, à compter du 1er janvier 2026. Objectif : rendre le ciel ouest-africain plus accessible, fluidifier les échanges humains et commerciaux, et renforcer le tissu économique régional.
« Nous devons sortir de cette spirale où voyager coûte plus cher à l’intérieur de notre région qu’ailleurs en Afrique ou vers l’Europe », affirme Chris Appiah, directeur des transports à la Commission de la CEDEAO. « Nos études montrent que les passagers de la CEDEAO paient jusqu’à 103 % de plus en redevances passagers et 53 % de plus en frais de sécurité que la moyenne africaine. Il était temps d’agir. », a-t-il ajouté.
Cette réforme n’est pas née d’hier. Déjà en 2014, lors d’un sommet à Abuja, les chefs d’État avaient demandé à la Commission de trouver des solutions concrètes pour alléger la pression tarifaire sur les usagers. Il aura fallu près d’une décennie de négociations techniques et diplomatiques avec l’appui d’organismes comme l’OACI, l’AFRAA, l’IATA ou encore l’Union africaine, pour aboutir à une stratégie harmonisée.
Mais attention : cette politique ne se limite pas à des baisses de taxes. Elle prévoit également la suppression de toutes les taxes non conformes aux standards de l’OACI, comme certaines redevances touristiques ou sécuritaires. Une manière de redonner sens aux principes de la libéralisation du transport aérien africain.
Effet levier attendu sur la demande dans le transport aérien
Les simulations sont éloquentes : la mise en œuvre complète de cette politique pourrait générer une hausse de 40 % du trafic aérien régional en l’espace de douze mois. Ce surcroît d’activité pourrait rapporter plus de 500 millions de dollars de revenus supplémentaires, selon les estimations du consultant ayant piloté l’étude.
« Réduire les charges ne signifie pas réduire les recettes », insiste Chris Appiah. « Cela signifie stimuler la demande, faire décoller l’économie de l’air en Afrique de l’Ouest. »
La CEDEAO cite volontiers l’exemple d’Ethiopian Airlines, aujourd’hui championne continentale, ou celui des aéroports d’Afrique de l’Est, qui ont su combiner fiscalité modérée et gestion autonome. A contrario, les plateformes ouest-africaines sont à la traîne : seuls Accra et Lagos figurent aujourd’hui parmi les dix routes intra-africaines les plus fréquentées.
Pour accélérer cette dynamique dans le transport aérien ouest-africain, la CEDEAO encourage aussi le développement de partenariats entre compagnies – codeshare, coentreprises, billets communs – afin de mutualiser les coûts et améliorer la connectivité. Des alliances du type Air Peace–ASKY ou Air Côte d’Ivoire pourraient ainsi devenir monnaie courante.
Place au privé, cap sur la performance
Enfin, la Commission de la CEDEAO mise sur un leadership accru du secteur privé dans l’aviation régionale. Les gouvernements sont appelés à jouer un rôle de facilitateur, non de gestionnaire. « L’État doit créer l’environnement propice, mais laisser le privé opérer selon des logiques de performance », rappelle Appiah.
Prochaine étape : la validation politique. Le projet attend l’aval formel de l’Autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO dans les prochains mois. D’ici juin 2025, un comité de suivi sera mis sur pied pour garantir l’application effective de cette réforme ambitieuse.
À l’heure où l’Afrique cherche à mieux se connecter pour mieux se développer, le ciel ouest-africain pourrait enfin devenir un moteur d’intégration et de croissance. À condition que les États membres traduisent leurs promesses en actes concrets.